Drame biographique - VO

De Mathieu Amalric Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani, Aurore Clément. France. 2017. 98 min. (G)

Une actrice va jouer Barbara, le tournage va commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l'envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle.


À propos du film Barbara par Véronique Laplante (étudiante en cinéma au Collège Montmorency)

Barbara

Ce film est considéré par plusieurs comme étant un film inclassable même s’il reste un drame biographique d’essai. Il sort de l’ordinaire grâce au génie du réalisateur et scénariste Mathieu Amalric. Barbara est un long métrage dans lequel la chanteuse mystérieuse au nom éponyme est présentée sous plusieurs aspects. Elle est magnifiquement interprétée par Jeanne Balibar et la ressemblance entre elle et Barbara est d’ailleurs très frappante et cela s’impose par sa voix, sa posture, son profil, sa fine silhouette ainsi que les gestes bien étudiés par l’actrice. Cela dit, le film n’est guère qu’axé sur « la dame en noir », mais est aussi un hommage au septième art puisqu’Amalric nous raconte en parallèle l’histoire d’un réalisateur (joué par lui-même) et de l’interprète de Barbara. Autrement dit, Barbara est une mise en abyme dans laquelle une actrice est appelée à incarner la chanteuse dans un film.

L’aspect formel très marquant de ce film est l’utilisation d’images d’archives. Ces dernières sont combinées à des reconstitutions avec Balibar et c’est tout simplement  fascinant de voir le travail de la direction artistique pour recréer les lieux, les costumes ainsi que les lumières pour reconstituer l’ambiance de l’époque. Par exemple, lorsque la chanteuse répète avant une représentation, la combinaison des images d’archives et de fiction est à s’y méprendre tellement qu’il y a de la fluidité entre les plans. Malgré la lenteur du récit à quelques moments, le montage rapide atténue cet aspect du film. Le récit n’est pas toujours linéaire et nous offre alors des sauts dans le temps et il est parfois difficile de savoir si nous sommes en présence de Brigitte (l’actrice qui joue Barbara) ou si elle est dans son rôle de Barbara. Il y a évidemment des chansons de Barbara présentes dont Nantes, La ligne droite, Göttingen et Attendez que ma joie revienne. Cette dernière chanson est aussi utilisée de manière significative pour apporter à la trame narrative de l’histoire. Jeanne Balibar a d’ailleurs bien su rendre hommage à Barbara en pratiquant sa voix pour aider la combinaison entre archives et fiction.

            Comme une étude de Barbara et de son esprit, on nous présente aussi le fait que celle-ci incarne d’une certaine manière l’histoire de la France c’est-à-dire les cabarets, la guerre, l’immigration, etc. L’actrice dans le film se reconnait dans Barbara, et ce plus précisément sur les aspects culturels de l’amour et des hommes. Nous sommes alors témoins de l’évolution psychologique et des aspects de la vie de Barbara et de Brigitte. On nous présente Barbara comme étant une femme qui ne vit pas sa vie, mais comme une femme qui se la raconte en chanson avec tant de force qu’elle finit par y croire et cela vient jouer sur l’actrice du film dans le film. On  y voit l'actrice au travail, jouant du piano, chantant, parlant allemand, alternant le sourire et la terreur comme Barbara a toujours pu le faire, mais aussi comme Jeanne Balibar le livre dans son jeu avec brio.

            Alors, l'approche éclatée qu'emprunte Mathieu Amalric pour raconter sa vision de Barbara peut parfois dérouter, mais elle est fascinante et brillante. C'est un jeu d'une grande virtuosité et d'une terrible précision et cela prend le spectateur au piège de reconnaître de qui il s'agit, de l'actrice, de la chanteuse ou de l'actrice jouant la chanteuse. Ce film présenté au Festival de Cannes a été très bien reçu par la critique considérant la forme très originale du film. De plus, le film a remporté le prix Louis Deluc, sorte de prix Goncourt du cinéma.