Documentaire- VO

De Luc Bourdon. Canada (Québec). 2017. 102 min. (G)

Plongez dans la mémoire des seventies avec ce minutieux et lyrique collage d’images et de sons du passé. En 2008, Luc Bourdon faisait sensation avec le majestueux La mémoire des anges, essai cinématographique consacré au Montréal des années 50 et 60 à travers les archives de la collection de l’ONF. Le réalisateur nous propose aujourd’hui sa suite logique: les années 70, celles de La Part du Diable. Explorez le psyché d'une décennie entre documentaire et poésie.


À propos du film par Guillaume Massie-Hamel, étudiant en cinéma au Collège Montmorency

Après s’être attardé au Québec des années 50 et 60 avec La Mémoire des anges en 2008, Luc Bourdon s’attaque au Québec mouvementé des années 70. Pour nous transporter à travers cette époque, le réalisateur s’est plongé dans les archives de l’ONF. Après 2000 films visionnés, 500 retenus et des centaines d’heures de montage accompagné de son collaborateur de longue date Michel Groulx, Luc Bourdon nous offre une œuvre singulière : La Part du diable.

En explorant ces années tumultueuses, le cinéaste savait bien que l’enjeu politique serait immanquablement omniprésent. Après tout, on ne peut traiter du Québec des années 70 sans aborder la création de la loi 101, la rivalité Lévesque-Trudeau ou la Crise d’octobre. Ne voulant pas traiter à nouveau d’une histoire trop de fois racontée, Luc Bourdon se penche sur les origines de la montée du nationalisme plutôt que sur ses impacts. C’est donc à travers ce questionnement sur notre identité que Luc Bourdon aborde le nationalisme sous un nouvel angle. On retrouve entres autres des images des premières nations, un peuple qui, comme on l’oublie trop souvent, fait partie intégrante de notre identité.

À travers ce documentaire contemplatif, on nous présente autant des scènes de la vie quotidienne, comme une femme qui saisit son enfant turbulent par une jambe pour le réprimander, que des évènements historiques comme les Jeux olympiques de 1976. On effleure aussi plusieurs autres enjeux comme l’industrialisation, la guerre et les classes économiques. Des personnalités marquantes de l’époque comme Micheline Lanctôt, Michel Tremblay, Pauline Julien, Gerry Boulet, Maurice Richard et plusieurs autres font aussi leur apparition dans ce collage cinématographique.

Comme mentionné plus tôt, ce n’est pas la première fois que Luc Bourdon réalise un film à partir d’images d’archives et son expérience avec ce type de projet transparait dans ce documentaire. Effectivement, puisque les images viennent de plusieurs sources, la qualité varie grandement, mais la fluidité du film n’en est pas affectée. Le cinéaste manipule habilement son matériel mélangeant reportage, documentaire et fiction. C’est ainsi que le reportage télévisé annonçant la mort de Pierre Laporte est superposé à une image d’étudiante en panique, amenant une intensité à la scène qui témoigne d’une maitrise de l’effet Koulechov (effet observé par les soviétiques qui démontre l’inter-influence des plans les uns avec les autres). À travers diverses techniques de montage, ce film poétique nous plonge dans des scènes parfois déjantées et d’autres fois contemplatives souvent accompagnées d’une trame sonore qui valse entre l’angoisse et la fête.

En conclusion, La Part du diable est un film nécessaire pour consolider la pérennité de la mémoire collective au Québec. Effectivement, puisque ce documentaire est constitué d’images d’archives de l’ONF, la numérisation et la restauration de plusieurs films québécois ont été nécessaires à sa réalisation. Ces films, dont certains qui seraient probablement tombés dans l’oubli autrement, seront donc bien préservés pour l’avenir. De plus, cette mosaïque nous rappellent d’où nous venons, ce qui nous permet de mieux comprendre où nous allons. C’est pourquoi La Part du Diable est un film véritablement immanquable. Après tout, les enjeux controversés qui ont tourmenté le Québec à l’époque referont surement surface, notre culture et notre identité étant si fragiles. Reste à savoir si les combats seront à nouveau menés.