INVITÉ pour la discussion post-projection: l'acteur Christian Bégin sera des nôtres.

Drame - VO
De Robert Morin Avec Christian Bégin, Sandra Dumaresq, Guy Thauvette, William Monette Canada (Québec). 2017. 93 min. (13+)

Chirurgien dédié au sort des grands brûlés, époux d’une femme sensible et intelligente, père d’un ado docile, cuisinier hors pair, bricoleur adroit, Louis vit la perfection. Vient le jour fatidique où tout se fissure.

« Pensé comme un ballet expressionniste en plusieurs actes, aux mouvements de lumière insidieux, avec des plans-séquences trafiqués à la Birdman qui ont demandé un rare abandon à Christian Bégin, Le problème d’infiltration porte assurément la marque du formaliste qu’est Robert Morin» (Voir)

À propos du film par Guillaume Massie-Hamel

Le problème d’infiltration est un drame psychologique mettant en vedette Christian Bégin dans le rôle d’un chirurgien qui, suite à une rencontre particulièrement troublante avec un patient (Guy Thauvette), sombre graduellement dans la folie, emportant sa femme (Sandra Dumaresq) et son fils (William Monette) avec lui. Ce film a été écrit et réalisé par Robert Morin, un grand cinéaste québécois connu pour Requiem pour un beau sans-cœur, Le Nèg’ et Quiconque meurt, meurt à douleur.                                   

Dans une salle d’urgence, un médecin tente de persuader son patient, un grand brulé défiguré, que son état s’améliore. Ce dernier, exacerbé par l’hypocrisie de son chirurgien, entreprend une démarche pour lui faire comprendre comment est la vie en tant que « monstre », scalpel à la main. Ce ne sera que la première étape dans la rapide chute d’un homme qui semblait pourtant avoir une vie parfaite. De quoi créer une ambiance lourde, mais captivante. Effectivement, ce film n’accorde aucun répit au spectateur, le plongeant continuellement dans un huis clos anxiogène. Rien à quoi s’attacher, pas même le protagoniste qui, comme on le réalise graduellement, est un “narcissique pervers et contrôlant” selon les propres mots de Christian Bégin. Mais Le problème d’infiltration ne s’adresse pas seulement à nos émotions, on y retrouve aussi des éléments qui stimulent notre intellect, comme le symbolisme présent à travers des éléments plus évidents comme le problème d’infiltration dans la maison du médecin, mais aussi d’autres plus subtils comme le feu.

Robert Morin accorde toujours beaucoup d’importance à la forme dans ses films et celui-ci ne fait pas exception. Le point marquant est sans doute les plans séquences reliés par des raccords cachés qui obligent le spectateur à accompagner ce détestable personnage tout au long de sa déchéance. Des plans séquences réussis nécessitent une bonne mise en scène, ce que Robert Morin, avec ses nombreuses années d’expérience, maitrise sans difficulté. Les amateurs du cinéma d’horreur seront aussi repus puisque plusieurs éléments rappelant les classiques d’horreur comme Nosferatu et The Shining sont présents. Effectivement, l’attention portée à l’éclairage qui joue entre le blanc stérile et le vert monstrueux rappelle les films expressionnistes allemands. De plus, la bande sonore, composée de la musique de Bertrand Chénier accompagnée de nombreux sons amplifiés, témoigne d’un travail minutieux. Ceci nous prouve que le cinéaste maitrise avec brio les codes du cinéma d’horreur, tout en y ajoutant sa touche personnelle.

Le problème d’infiltration demeura dans les mémoires comme étant non seulement l’un des meilleurs films de Robert Morin, mais comme l’un des meilleurs films québécois de l’année. De plus, ce film marquera certainement un point tournant dans la carrière de Christian Bégin qui, à travers son excellente performance, a su nous faire oublier son personnage public de bon vivant pour laisser place à un monstre égocentrique. Ceci est d’autant plus remarquable puisqu’il s’agit de son premier grand rôle au cinéma. Ce film réussit aussi à s’inscrire dans un contexte contemporain avec des références à l’actualité québécoise comme le cas du Dr Turcotte, mais aussi des observations d’une réalité internationale avec son traitement de problématiques comme le narcissisme en hausse partout dans la société.