Choix du public - Vous l'avez choisi!

Drame - VO
De Luc Picard Avec Anthony Bouchard, Alexis Guay, Henri Picard, Maude Laurendeau, Julie Ménard Canada (Québec). 2017. 101 min. (En attente de classement)

Manon, son petit frère Mimi et leurs cousins, Denis et Martin, kidnappent une vieille femme et fuient la ville avec leur otage. Rien ne se passe comme prévu pour la bande, qui fera vivre aux spectateurs une magnifique aventure remplie de tendresse et de courage.

« Ce film, c'est le regard lucide d'enfants sur le monde adulte, ses faiblesses, ses trahisons et ses démissions. » (Luc Picard)


À propos du film, par David Lamontagne, professeur de cinéma au Collège Montmorency

Luc Picard ne cache pas son attachement à la question nationale et son grand amour pour la culture québécoise. Son cinéma en est fortement teinté (Ésimésac, Babine) et son engagement politique aussi. Son dernier film est magnifiquement porté par la beauté de la langue et la couleur de son accent. Pour faire vivre cette langue, il a choisi une partie de notre histoire qu’on voudrait voir occultée ou qui sert souvent de bouc émissaire pour exprimer les excès qui ont contribué à créer un schisme important dans la population à propos de l’indépendance du Québec.

Les Rois mongols est un plaidoyer en faveur d’un rapprochement entre les deux solitudes francophone et anglophone. Des enfants qui enlèvent une vieille dame anglaise pour venir s’isoler dans un coin reclus du territoire québécois exprime d’une belle façon cette métaphore identitaire. La caricature était un écueil évident et le film réussi le pari de proposer des personnages bien définis et bien joués qui défont les traits grossiers sur l’état du Québec. Plutôt que de miser sur la confrontation, des rapprochements sont imaginés.

En situant le récit dans le cadre de la Crise d’octobre en 1970, le cinéaste offre une relecture romantique de ces événements. Ni un pamphlet politique ou une œuvre proprement historique, il propose un prétexte pour réfléchir sur le caractère désespéré et revendicateur d’une frange importante de la population québécoise de l’époque, climat qui se trouve aujourd’hui presque folklorisé avec les années. Il serait trop simple de ne voir dans les attentats du FLQ qu’une pulsion morbide et nihiliste. Le film n’explique pas ni ne cherche à légitimer, mais offre un regard de biais sur une forme d’injustice sensible. Ici, ce n’est pas les militants qui sont mis de l’avant-plan comme Luc Picard l’a déjà incarné dans deux films de Pierre Falardeau (Octobre et 15 février 1837). Des enfants, dans toute leur candeur, qui cherchent à exister dans une famille en plein désarroi de voir leur père mourant et leur mère dépressive, forment les symboles d’une identité en devenir.

Intéressante idée d’avoir nommé son héroïne Manon, ce qui rappelle la jeune rebelle des Bons débarras. Même chose avec le personnage de travailleur social joué par Sophie Cadieux qui se confond avec celui de Claudette Dussault dans Les Ordres qui était joué par Louise Forestier. Il n’est pas surprenant de voir ces clins d’œil à des œuvres majeures qui sont des repères importants de notre cinématographie.

Le film est réalisé avec une maitrise toute en sobriété avec quelques fulgurances poétiques. La direction photo donne une prestance aux grands espaces des Laurentides. Certaines séquences se détachent du récit pour apporter une touche sensible comme ces moments au début du troisième acte qui rappellent un espoir déçu. La voix off de l’héroïne participe aussi à ces élans de liberté en offrant un contrepoint personnel au destin collectif. La trame musicale, avec nombre de pièces majeures de notre répertoire de la chanson, est très bien utilisée.

Au travers d’œuvres du cinéma québécois à prétention universelle où l’accent est souvent gommé, ou d’autres de pur divertissement, voilà un film qui rappelle une tendance ancrée dans notre culture québécoise avec une portée manifeste.